SOFIA VANHOVE
Encore jeune, Sofia a été l’enjeu d’un marché sordide.
Lorsqu’elle arrive à Liège et qu’elle rencontre Milo à l’école de photographie, en 2015, elle est toujours en détresse. Depuis la profanation, sa vie apparaît vaine et elle ne peut plus s’abandonner. Les amants tenteront d’assumer leur amour déséquilibré, jusqu’à l’issue.
Et après, il faudra bien continuer à vivre, ce que Milo fera à sa manière, déterminée.
Un tableau de Giorgione, « Judith », relie les personnages. Pour Sofia, c’est une métaphore de ce qui aurait pu être.
En fin de compte, sans Sofia, rien ne serait arrivé …
extrait : "
Nous passions des heures dans le labo qu’elle avait aménagé, dans son kot en Hors-Château, un joli petit grenier, que j’appelais sa boîte de poupée. Je pense qu’elle aimait ces temps dans le noir, à développer des pellicules à divers grains, attendant de voir venir sous l’effet du révélateur, éclairées du seul halo orange, les vues photographiées quelques heures avant. Là, elle était concentrée et systématique.
— Avec le numérique, t’as plus tout ça !
À sa manière, Sofia était conservatrice, nostalgique de la photo à l’ancienne, d’une nostalgie forçant le talent. Ce furent souvent des instants heureux dans le labo, pour moi du moins.
Mais c’est aussi dans le noir qu’elle me raconta le viol, sans tout dire toutefois, ses parents démissionnaires, son frère déchu, le vide de son âme. Je regrettais qu’elle n’explique pas mieux ce qui lui était arrivé ; sans les détails, les circonstances restaient abstraites. Mais je savais devoir me taire.
C’est dans l’odeur des produits chimiques, révélateurs et fixateurs d’image, que j’admis que je l’aimais.